Les subsides

Regardons de plus près comment comptabiliser un subside.

Les subsides

1. Date à laquelle un subside doit être comptabilisé

Un subside ne doit pas être comptabilisé au moment de son paiement effectif, mais bien au moment où le droit de l’entreprise à l’obtenir est certain et qu’il peut raisonnablement être évalué (avis CNC 2011/13).

En effet, « il doit être tenu compte des charges et produits afférents à l’exercice ou à des exercices antérieurs, sans considération de la date de paiement ou d’encaissement de ces charges et produits » (art. 3:11 AR CSA).

La question de savoir quand le droit à l’obtention du subside acquiert un caractère certain, est une question d’espèce qui doit être tranchée cas par cas. Cette appréciation relève en première instance de la compétence de l’organe d’administration.

C’est l’examen de la nature de l’engagement qui doit permettre à l’organe d’administration d’apprécier le caractère certain ou non du droit à l’obtention du subside. La naissance du droit à l’obtention du subside peut en effet faire l’objet de modalités qui affectent son degré de réalisation.

Si l’octroi d’un subside à l’investissement est subordonné à certaines conditions – par exemple en matière d’emploi – l’existence d’une telle condition suspensive empêche la comptabilisation du subside obtenu. En revanche, si le maintien du subside obtenu par l’entreprise est subordonné à certaines conditions, une telle condition résolutoire n’empêche pas la comptabilisation dudit subside (avis CNC 2011/13).

L’avis CNC 2009/3 est consacré au traitement comptable des subsides en capital dont l’octroi et/ou le paiement sont échelonnés sur plusieurs années.

2. Subsides en capital

2.1. Définition

« Sont portés sous cette rubrique, les subsides en capital obtenus des pouvoirs publics en considération d’investissements en immobilisations, sous déduction des impôts différés afférents à ces subsides ; ces impôts différés sont portés sous la rubrique du passif « VII. B. Impôts différés » (art. 3:89, § 2, AR CSA).

Avec la référence aux subsides « reçus des pouvoirs publics », le Gouvernement a eu essentiellement en vue les subsides octroyés dans le cadre de la législation sur l’expansion économique.

La CNC estime que la notion de « pouvoirs publics » désigne l’État, les régions, provinces et communes, et les établissements publics. La notion de « pouvoirs publics » renvoie aussi bien aux établissements nationaux que supranationaux de droit public si ceux-ci remplissent, mutatis mutandis, les mêmes exigences pour être qualifiés d’établissements publics (avis CNC 2010/19).

La CNC est toutefois d’avis que la notion de subside en capital ne peut être limitée au seul domaine de la législation sur l’expansion économique ; les subsides accordés par les pouvoirs publics peuvent en effet résulter de législations et d’objectifs divers.

La CNC souhaite souligner que les subsides en capital doivent provenir de l’autorité à laquelle le pouvoir législatif a confié la compétence de l’octroi des subsides et qui exerce, en outre, le contrôle du respect des conditions liées à l’obtention du subside. Par conséquent, les subsides en capital reçus par une entreprise faisant partie d’un groupe, et qui sont transmis à une autre entité de ce groupe, ne peuvent en principe pas être portés sous la rubrique « Subsides en capital » de cette dernière entité. La redistribution au sein d’un groupe ne peut entraîner une comptabilisation sous la rubrique de subsides en capital, que si l’entreprise qui transmet le subside a elle-même le droit de mettre des moyens à disposition, c’est-à-dire si elle répond aux critères mentionnés plus haut (avis CNC 2011/13).

2.2. Traitement comptable

2.2.1. Subsides en capital accordés pour des immobilisations non amortissables

Tant que les immobilisations non amortissables, généralement des terrains, restent en possession de l’entreprise, les subsides en capital qui furent obtenus pour leur acquisition, restent aussi au passif du bilan.

Si une moins-value est constatée, il s’indique, par analogie à l’imputation de subsides en capital relatifs à des actifs amortissables, de prendre en résultats le subside en capital au prorata de la moins-value imputée à l’actif subsidié.

2.2.2. Réalisation de l’actif immobilisé

Lors de la réalisation ou de la mise au rebut de l’immobilisation subsidiée la partie du subside en capital (et les impôts différés éventuels y afférents), qui n’a pas encore été prise en résultats, doit immédiatement faire l’objet d’une prise en résultats.

2.3. Tax-shelter dans le chef de la société de production

Pour les conventions-cadres signées à partir du 1er janvier 2015, la CNC, dans son avis 2015/7, constate que la Commission européenne reconnaît cette méthode particulière d’aide publique pour la production d’œuvres audiovisuelles via le régime de tax-shelter comme un type d’aide d’État autorisée. L’aide publique s’effectue indirectement par l’intervention d’un investisseur. Le montant que le producteur reçoit de l’investisseur a, sous l’angle économique, toutes les caractéristiques d’un subside obtenu des pouvoirs publics.

Pour ces raisons, les montants que l’investisseur s’est engagé à payer au producteur, sont considérés, selon la CNC, comme un subside dans les comptes du producteur.

Pour des exemples chiffrés, selon que tous les frais de production ou seulement les frais directs de production sont inclus dans la valeur d’acquisition, nous vous invitons à consulter l’avis de la CNC.

3. Subsides en intérêts

3.1. Notion

Dans le cadre de leur politique d’incitation aux investissements, les pouvoirs publics peuvent intervenir dans les charges liées au financement de l’investissement. Ils remboursent dans ce cas à l’entreprise une partie des charges d’intérêts.

En application du principe de non compensation, les subsides en intérêts ne peuvent être déduits des intérêts payés. Ils doivent, conformément à l’article 3:90 AR CSA, être comptabilisés sous la rubrique « IV.C Autres produits financiers du compte de résultats ».

Si un subside en intérêts est payé en une fois, bien qu’il se rapporte à un investissement étalé sur plusieurs années, le subside en intérêts doit – vu le matching principle et le principe de l’image fidèle – être pris en résultats de manière étalée en parallèle aux intérêts auxquels il se rapporte (avis CNC 2011/13).

3.2. Traitement comptable

Dès que le montant du subside en intérêts est certain, il doit être comptabilisé en 753 « Subsides en capital et en intérêts ».

Exemple

Une entreprise emprunte 100.000 EUR au taux de 4,5 %, remboursable en 10 ans. Un subside en intérêts de 0,5 % est accordé pendant trois ans.

La première année l’intérêt est de 4.500 EUR et le subside s’élève à 500 EUR.

L’établissement de crédit porte le montant net en compte :

650

Charges de dettes

4.500,00

 

550

À

Établissement de crédit

 

4.000,00

753

 

Subsides en capital et en intérêts

 

500,00

Attention : s’il s’agit d’une ASBL, AISBL ou fondation, le subside sera porté au compte 733 et non pas au compte 753.

Il arrive, quoique rarement, que les pouvoirs publics attribuent en une fois le subside en intérêts pour la totalité de la période pour laquelle l’aide est accordée.

Conformément à l’article 3:11 AR CSA, la partie du subside encaissé relative aux exercices ultérieurs ne peut pas être porté en résultats, mais doit être reporté en faisant usage du compte « produits à reporter ».

Sur base des données ci-dessus, les montants relatifs aux trois premières années sont :

 

solde dû

intérêt

subside

Année N 1

100.000,00

4.500,00

500,00

Année N 2

90.000,00

4.050,00

450,00

Année N 3

80.000,00

3.600,00

400,00

     

1.350,00

Dans l’hypothèse où la totalité du subside est portée directement en déduction des intérêts payés la première année, il faudra comptabiliser :

650

Charges de dettes

4.500,00

 

550

À

Établissement de crédit

 

3.150,00

753

 

Subsides en capital et en intérêts

 

500,00

493

 

Produits à reporter

 

850,00

Il est donc important de bien analyser le document d’octroi du subside afin de procéder à une comptabilisation correcte.

4. Subsides pour les frais de recherche et de développement

Il est fréquent que les frais de recherche et de développement fassent l’objet de subsides octroyés par les pouvoirs publics. Les conditions d’octroi de ces subsides peuvent différer et dépendre du cadre légal dans lequel ils sont octroyés et selon les dispositions particulières qui les régissent. Le mode de présentation de ces subsides dans la comptabilité devra par conséquent tenir compte de leurs natures et de leurs conditions d’octroi.

En principe, la comptabilisation des subsides sera faite en parallèle de la comptabilisation des charges ou des biens auxquels ils sont afférents. Il en résulte que dans la mesure où les frais de recherche et de développement sont enregistrés au titre de charges d’exploitation pendant l’exercice au cours duquel ils sont exposés, les subsides qui concernent un même exercice comptable doivent être enregistrés, dans le compte de résultats, au titre de produits d’exploitation sous la rubrique « I.D. Autres produits d’exploitation » (cf. définition donnée de cette rubrique dans l’article 3:90 AR CSA).

En revanche, s’il s’agit de subsides en capital ou en intérêts relatifs à l’acquisition par l’entreprise d’immobilisations corporelles portées à l’actif, ces subsides seront enregistrés, conformément aux règles habituelles consacrées par l’AR CSA. De ce fait, la correspondance est assurée entre les produits, d’une part, et les coûts auxquels ces produits sont afférents, d’autre part (matching principle).

Lorsque les frais de recherche et de développement pris en charge par le compte de résultats ont fait l’objet de subsides, leur comptabilisation – en tout ou en partie – à l’actif doit être faite dans les conditions prévues à l’article 3:38 AR CSA et à concurrence de leur montant brut. La comptabilisation au passif des subsides en capital et des (éventuels) impôts différés concernés devra également tenir compte de la proportion des frais activés.

La méthode d’activation des frais de recherches et développement (à savoir, partiel ou total) est déterminante pour le montant à concurrence duquel le subside doit être comptabilisé au passif.

Le mode d’imputation au compte de résultats du subside en capital sera par ailleurs en parallèle au rythme de la prise en charge des frais de recherche et de développement (avis CNC 2011/13).

5. Autres subsides à caractère financier

Les subsides des pouvoirs publics octroyés aux entreprises qui, à la suite d’une forte augmentation de leur chiffre d’affaires, éprouvent un besoin complémentaire en fonds de roulement net, doivent être rattachés aux exercices auxquels ils se rapportent en vertu de la décision de subventionnement. Dans le cas d’exercices déjà clôturés, il en est fait mention dans l’annexe, ainsi que le prévoit l’article 3:11, alinéa 2, AR CSA.

De l’avis de la CNC, ce subside a le caractère d’un produit financier. En effet, le but de l’autorité qui accorde le subside est de contribuer, par son intervention financière, au coût du financement des stocks et des créances (c’est-à-dire, du fonds de roulement) de l’entreprise. Il convient dès lors de comptabiliser ce subside sous la rubrique « IV.C. Autres produits financiers » et d’en faire mention dans l’annexe (cf. section C.6.11 du schéma complet) (avis CNC 2011/13).

6. Autres subsides d’exploitation

6.1. Notion

Les subsides d’exploitation sont des subsides dont l’obtention n’est pas rattachée à des investissements en immobilisations. Il s’agit de montants accordés par les pouvoirs publics à une entité en vue de compenser ou couvrir certains frais d’exploitation. L’article 3:89 de l’AR CSA prévoit que les subsides en capital dont l’obtention n’est pas rattachée à des investissements en immobilisations, sont comptabilisés dans le compte de résultats comme produits d’exploitation ou produits financiers.

La dispense partielle de verser le précompte professionnel retenu à l’administration en constitue un exemple.

6.2. Traitement comptable

Selon l’article 3:90 AR CSA, sont notamment portés sous la rubrique « Autres produits d’exploitation », les subsides ou montants compensatoires à l’importation ou à l’exportation, ainsi que les subsides d’exploitation.

Les interventions des pouvoirs publics, comme compensation de moindres recettes consécutives à la politique de tarification appliquée, doivent être comptabilisées comme « Chiffre d’affaires ». C’est entre autres le cas pour l’intervention qui est accordée pour la vente de produits laitiers à un prix réduit pour certaines institutions.

Écriture à passer au moment où le droit à l’obtention du subside d’exploitation acquiert un caractère certain :

414

Produits à recevoir

 

 

740

À

Subsides d’exploitation et montants compensatoires

 

 

         

Écriture à passer à la réception :

55

Établissement de crédit

 

 

414

À

Produits à recevoir

 

 

         

Si le subside d’exploitation enregistré se rapporte partiellement aux exercices suivants, il faudra transférer une partie du subside :

740

Subsides d’exploitation et montants compensatoires

 

 

493

À

Produits à reporter

 

 

         

7. Remboursement des subsides

7.1. Remboursement de subsides en capital et en intérêts

La CNC a été interrogée sur le mode d’imputation au compte de résultats du remboursement de subsides en capital et en intérêts obtenus au cours d’exercices antérieurs. La question portait plus particulièrement sur le point de savoir si les subsides à restituer pouvaient être regroupés dans le compte de résultats avec les subsides reçus ou imputés au titre de l’exercice, moyennant, le cas échéant, une ventilation des uns et des autres dans l’annexe.

La Commission a considéré que l’arrêté royal (art. 3:2, § 2, AR CSA) s’oppose à toute compensation, même lorsqu’elle est accompagnée d’une ventilation dans l’annexe.

Elle a, en conséquence, préconisé de comptabiliser les subsides à restituer en « Charges financières diverses » à moins que des raisons particulières justifient de les comptabiliser en « Autres charges financières non récurrentes » (avis CNC 2011/13).

Lors du remboursement du subside en capital, le montant encore inscrit au passif du bilan doit bien entendu d’abord être extourné et seul le solde doit être traité via le compte de résultats.

7.2. Remboursement des subsides pour les frais de recherche et de développement

Dans certains cas, le montant du subside reçu est stipulé remboursable, pour tout ou partie, voire à concurrence du double du montant reçu, dans l’hypothèse où les frais de recherche et de développement engagés déboucheraient sur la réalisation d’un chiffre d’affaires ou d’un bénéfice.

S’agissant de sommes qui ne sont dues qu’en cas de réalisation d’une condition suspensive, il y a lieu de considérer qu’aussi longtemps que cette condition ne se trouve pas réalisée, il n’y a pas lieu d’acter au passif une dette ni une provision en considération de cette éventualité. Une mention appropriée dans l’annexe s’imposera en vertu de l’article 3:2, § 3, AR CSA. En revanche, lorsque la condition se réalise, il y a lieu d’acter à due concurrence la naissance de la charge de décaissement correspondante.

Ce faisant, la correspondance des charges et des produits (matching principle) est assurée tant au moment où les frais de recherche sont exposés qu’au moment où les bénéfices ou recettes réalisés permettent de couvrir les coûts dus à la réalisation de la condition.

En revanche, lorsque l’entreprise bénéficiaire est tenue de rembourser les subsides reçus, les « subventions » concernées doivent être portées au passif au titre de dettes, aussi longtemps qu’une exemption totale ou partielle (ou une suspension) de remboursement n’est pas obtenue. De l’avis de la CNC, ce « contrat de subvention » doit en effet plutôt être considéré comme un contrat de financement assorti d’une exemption conditionnelle de remboursement que comme un contrat classique d’octroi des subventions (avec remboursement conditionnel) (avis CNC 2011/13).

8. Droit des sociétés

Selon l’article 3:12, § 1er, CSA, sont déposés en même temps que les comptes annuels un document, mentionnant les données suivantes, sauf si ces renseignements font déjà l’objet d’une mention distincte dans les comptes annuels :

« 5° c) le montant afférent à l’exercice clôturé, des subsides en capitaux ou en intérêts payés ou alloués par des pouvoirs ou institutions publics. »

L’annexe aux comptes annuels comprend dans la section 6.11 du schéma complet le montant des subsides en capital et en intérêts accordés par les pouvoirs publics imputés au résultat de l’exercice.

Dans les schémas abrégés et micro, le compte de résultats comporte, sous les produits financiers récurrents, une ligne distincte « subsides en capital et en intérêts ». Ceci ne concerne que les montants portés au compte de résultats.

L’annexe du schéma complet comprend les montants qui apparaissent dans le compte de résultats de l’exercice tandis que les subsides en capital accordés ne sont pratiquement jamais repris en une fois dans le résultat. Le montant des subsides en capital payés ou accordés doit dès lors être mentionné séparément.

Le montant des subsides en capital payés ou alloués par des pouvoirs publics, qui doit être mentionné en application de l’article 3:12 CSA, concerne le montant total, alors que le montant porté au bilan sera, selon le cas, scindé en « Subsides en capital » et « Impôts différés » ; le transfert vers le compte de résultats et l’indication sous le code 9125 de l’annexe du schéma complet portera, le cas échéant, uniquement sur la partie portée en « Subsides en capital ».

En revanche, le microschéma et le schéma abrégé comportent, respectivement en pages MIC 8 et A 9, le code 9078 destiné à mentionner le montant des subsides en capital ou en intérêts payés ou alloués par des pouvoirs ou institutions publics. Ceci n’est pas prévu dans le schéma complet.