Comptabilité : constitution et frais d'établissement

Regardons de plus près comment sont comptabilisés les frais d''établissement

Comptabilité : constitution et frais d'établissement

1. Constitution

1.1. Étude préalable

Le choix de la forme juridique appropriée et le respect de toutes les formalités sont très importants. De là, l’utilité de l’intervention préalable d’un expert-comptable et/ou d’un avocat et/ou d’un notaire.

Lors de l’apport en nature dans une SRL, une SC, une SA, une SE ou une SCE, un rapport de réviseur d’entreprises est, à quelques exceptions près, exigé. Pour la SA, le Code des sociétés et des associations impose également un rapport en cas d’acquisition d’un élément d’actif important appartenant à un fondateur, administrateur ou actionnaire dans les deux ans suivant la constitution (quasi-apport).

Pour les honoraires du réviseur d’entreprises, il n’existe pas de tarif et ils sont déterminés notamment en fonction de l’importance des services prestés, ainsi que par la complexité de l’opération (avec la responsabilité qui y est liée).

1.2. Acte de constitution

1.2.1. Forme de l’acte de constitution

Les sociétés en nom collectif et les sociétés en commandite sont, sous peine de nullité, formées par un acte authentique ou sous signature privée.

L’acte sous signature privée doit être établi en autant d’exemplaires que de parties. Il faut également prévoir les exemplaires nécessaires à l’enregistrement et au dossier de société tenu au greffe.

Les sociétés à responsabilité limitée, les sociétés coopératives, les sociétés anonymes, les sociétés européennes et les sociétés coopératives européennes, sont à peine de nullité, constituées par acte authentique.

En plus des honoraires, le notaire portera d’autres frais en compte : les droits d’enregistrement, les frais de publication, les timbres et, le cas échéant, des frais relatifs à la transcription au bureau des hypothèques, etc.

1.2.2. Enregistrement

En vertu de l’article 19, 5°, CEnr, non seulement tous les actes notariés, mais aussi tous les actes contenant apport de biens à des sociétés possédant la personnalité juridique doivent être enregistrés.

Selon l’article 32 CEnr, les actes notariés doivent être soumis à la formalité de l’enregistrement dans les quinze jours. Pour les actes sous signature privée, les droits d’enregistrement doivent être payés dans les quatre mois.

Le notaire répond de l’enregistrement des actes authentiques ; mais pour les actes sous signature privée, ce sont les parties contractantes qui sont responsables.

1.2.3. Dépôt de l’acte de constitution

« Afin d’être versés au dossier de la société, les documents suivants sont déposés pour les sociétés dans les trente jours, à compter de la date de l’acte définitif […]

1.       une expédition de l’acte constitutif authentique ou un double de l’acte constitutif sous signature privée ;

2.      l’extrait de l’acte constitutif visé au paragraphe 2 ; […] » (art. 2:8 CSA).

Les dépôts se font au greffe du tribunal de l’entreprise du siège de la société. Les dépôts ultérieurs devront se faire au même greffe.

1.3. Acquisition de la personnalité juridique

Les sociétés dotées de la personnalité juridique, excepté la SE et la SCE, acquièrent la personnalité juridique le jour du dépôt au greffe du tribunal de l’entreprise des documents visés à l’article 2:8, § 1er, alinéa 1er, 1°, 2° et 5°, a), dont l’acte constitutif. Toutefois, la société européenne, la société coopérative européenne et le groupement européen d’intérêt économique acquièrent la personnalité juridique le jour de leur inscription au registre des personnes morales, répertoire de la Banque-Carrefour des Entreprises, conformément à l’article 2:7, § 1er, alinéa 2 (art. 2:6, § 1er, CSA).

1.4. Le dossier de la société ou le dossier de l’association

Toutes les pièces déposées sont conservées dans le dossier qui, pour chaque personne morale, est tenu au greffe du tribunal de l’entreprise du siège de la personne morale (art. 2:7 CSA).

1.5. Inscription au registre des personnes morales

Les personnes morales sont inscrites au registre des personnes morales (RPM), répertoire de la Banque-Carrefour des Entreprises (art. 2:7, § 1er, CSA). Ceci entraîne bien évidemment des frais.

2. Frais d’établissement

2.1. Définition

« Sont portés sous cette rubrique, s’ils ne sont pas pris en charge à un autre titre durant l’exercice au cours duquel ils ont été exposés, les frais qui se rattachent à la constitution, au développement ou à la restructuration de la société, tels que les frais de constitution ou d’augmentation de capital ou d’augmentation de l’apport, les frais d’émission d’emprunts, et les frais de restructurations » (art. 3:89, § 1er, AR CSA).

De cette définition, il ressort clairement que la notion s’étend au-delà des frais supportés lors de la constitution de la société.

Un autre point à souligner est le caractère subsidiaire de cette rubrique. Les frais de constitution ne seront comptabilisés à l’actif que s’ils ne sont pas portés d’une autre manière à charge du compte de résultats. Ceci est d’ailleurs confirmé par l’article 3:36 de l’arrêté royal :

« Les frais d’établissement ne sont portés à l’actif que s’ils ne sont pas pris en charge durant l’exercice au cours duquel ils sont exposés. »

Les frais de constitution ne sont pas des actifs réels. Ils ne sont tout simplement pas négociables. C’est purement une possibilité légale pour éviter que certains frais n’influencent trop fortement le compte de résultats au moment où ils sont supportés.

Pour cette raison, les frais d’établissement ne font pas partie des actifs immobilisés.

2.2. Frais lors de la constitution ou de l’augmentation du capital

L’article 3:17 AR CSA qui définit la valeur d’apport prévoit :

« La valeur d’apport ne comprend pas les impôts et les frais relatifs aux apports ; si ceux-ci ne sont pas pris entièrement en charge par le compte de résultats de l’exercice au cours duquel l’apport est effectué, ils sont portés sous la rubrique « Frais d’établissement ». »

Une fois de plus, on soulignera le caractère subsidiaire de la comptabilisation à la rubrique de l’actif « frais d’établissement ».

Lors de la constitution d’une société, il n’y a pas que les frais de l’apport, mais également d’autres frais tels que les honoraires pour les conseils, l’inscription au registre des personnes morales (Banque-Carrefour des Entreprises), etc.

Si des frais de constitution ou d’augmentation de capital ou de l’apport sont activés, ils seront comptabilisés directement en 20.

Exemple

Un réviseur d’entreprises facture 2.000,00 EUR + 21 % TVA pour le rapport de contrôle lors d’un apport en nature. La société est un assujetti TVA ordinaire. L’option prise est de ne pas prendre directement les frais en charges.

200

Frais de constitution et d’augmentation de capital ou de l’apport

2 000,00

 

411

TVA à récupérer

420,00

 

440

À

Fournisseurs

 

2 420,00

         

2.3. Frais de restructuration

« Les charges engagées dans le cadre d’une restructuration ne peuvent être portées à l’actif que pour autant qu’il s’agisse de dépenses nettement circonscrites, relatives à une modification substantielle de la structure ou de l’organisation de la société, de l’ASBL, de l’AISBL ou de la fondation et que ces dépenses soient destinées à avoir un impact favorable et durable sur la rentabilité de la société ou sur les activités de l’ASBL, de l’AISBL ou de la fondation. La réalisation de ces conditions doit être justifiée dans l’annexe. Dans la mesure où les frais de restructuration consistent en charges qui relèvent des charges d’exploitation ou des charges financières, leur transfert à l’actif s’opère par déduction globale explicite respectivement du total des charges d’exploitation et des charges financières » (art. 3:36, 2e al., AR CSA).

Les frais de restructuration peuvent être de natures différentes : amortissements exceptionnels, frais d’étude, frais de déménagement, indemnités de préavis, mise en place d’un régime de prépension conventionnelle, frais de recyclage du personnel, acquisition de matériels nouveaux, provisions pour charges, etc.

Pour l’activation de ces frais, il subsiste toujours le risque, en cas de litige ultérieur, que le juge décide post factum, que ce « choix de l’organe d’administration » n’était pas justifié et que de ce fait, un bilan a été dressé comportant des actifs fictifs. Il arrive en effet que des frais de restructuration se révèlent être « un emplâtre sur une jambe de bois » et n’apportent pas les résultats escomptés. Il faut donc conseiller d’utiliser cette possibilité d’activation avec la plus grande prudence et de toujours s’entourer de toutes les garanties possibles.

Afin d’informer clairement les tiers, les frais de restructuration doivent être justifiés dans l’annexe.

Ces frais doivent initialement être comptabilisés dans les rubriques de charges usuelles.

Ils doivent ensuite être portés de manière visible en déduction respectivement des charges d’exploitation, des charges financières et des charges non récurrentes. L’on ne peut donc pas compenser en portant les frais activés en déduction des comptes de charges concernés, par exemple, les frais de personnel. Le plan comptable prévoit quatre comptes de charges négatifs.

204

Frais de restructuration

100 000,00

 

649

À

Charges d’exploitation portées à l’actif au titre de frais de restructuration

 

30 000,00

659

 

Charges financières portées à l’actif au titre de frais de restructuration

 

8 000,00

6690

 

Charges d’exploitation non récurrentes portées à l’actif au titre de frais de restructuration

 

50 000,00

6691

 

Charges financières non récurrentes portées à l’actif au titre de frais de restructuration

 

12 000,00

2.4. Amortissements des frais d’établissement

L’article 3:37 AR CSA stipule :

« Les frais d’établissement font l’objet d’amortissements appropriés, par tranches annuelles de vingt pour cent au moins des sommes réellement dépensées. Toutefois, l’amortissement des frais d’émission d’emprunts peut être réparti sur toute la durée de l’emprunt. »

Cette règle vaut tant pour les véritables frais de constitution que pour les frais de restructuration activés.

Note spécifique à cette rubrique : les amortissements sur frais d’établissement sont comptabilisés soit directement au crédit du compte concerné, soit à un de ses sous-comptes. La préférence va cependant à une comptabilisation directe.

6300

Dotations aux amortissements sur frais d’établissement

20 400,00

 

200

À

Frais de constitution et d’augmentation de capital ou d’apport

 

400,00

204

 

Frais de restructuration

 

20 000,00

Une comptabilisation portée directement en déduction du compte principal présente l’avantage que, après l’amortissement total, le compte est ramené à zéro. Au contraire de ce qui doit se faire pour les immobilisations corporelles et incorporelles, il est inutile de maintenir d’une part la valeur d’acquisition et, d’autre part, les amortissements cumulés, puisqu’il s’agit d’actifs sans valeur.

2.5. Renonciation à la poursuite des activités et sociétés en difficultés

Dans les cas où, en exécution ou non d’une décision de mise en liquidation, la société, l’ASBL, l’AISBL ou la fondation renonce à poursuivre ses activités ou lorsque la perspective de continuité de ses activités ne peut être maintenue, les règles d’évaluation sont adaptées en conséquence et les frais d’établissement doivent être complètement amortis (art. 3:6, § 2, AR CSA).

2.6. Comptabilisation directement au compte de résultats

Dans quels comptes les frais d’établissement, lors d’une comptabilisation directe au compte de résultats, doivent-ils être portés ?

De la définition des « autres charges financières » à l’article 3:90 AR CSA, il ressort que sont comptabilisées sous ce poste, entre autres, les charges relatives aux fonds propres (frais d’apports ou d’augmentation de capital, non portés en frais d’établissement, taxe sur les titres cotés en bourse, etc.). Ceci signifie que non seulement les frais de notaire, mais aussi les honoraires payés au réviseur d’entreprises pour le rapport de contrôle sur les apports en nature seront comptabilisés dans les comptes 657 à 658.

Exemple

Comme dans l’exemple en 2.2., un réviseur d’entreprises facture 2.000,00 EUR + 21 % de TVA pour le rapport de contrôle des apports en nature. La société est un assujetti ordinaire à la TVA. L’option prise est de porter les frais directement en charges.

657

Charges financières diverses

2 000,00

 

411

TVA à récupérer

420,00

 

440

À

Fournisseurs

 

2 420,00

         

Les frais lors d’émission d’emprunts peuvent être comptabilisés directement en charges de dettes (compte 650).

En matière de frais de restructuration, la solution est encore plus simple. Tous les frais restent dans les comptes de charges, et il n’est simplement pas opéré de transfert via les comptes 649, 659 et 669.

3. Annexe

Lors de l’activation des frais de restructuration, l’annexe doit comporter, parmi les règles d’évaluation, la justification que les frais de restructuration auront un impact favorable et durable sur la rentabilité de la société ou sur les activités de l’ASBL, de l’AISBL ou de la fondation (art. 3:36 AR CSA).

4. Aspects du droit des sociétés

Lorsque le Code des sociétés et des associations prévoit des dispositions visant au maintien du patrimoine de la société, il est prévu que pour déterminer les montants distribuables, l’actif net ne peut pas comprendre le montant non encore amorti des frais d’établissement et d’expansion. Les formes de sociétés concernées sont la SRL (art. 5:142 CSA), la SC (art. 6:115) et la SA (art. 7:212). La SE est également visée (art. 9, règlement CE n° 2157/2001).